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Petit traité de visibilité

Rendre visible

Cela ne date pas d’hier.
« Le système idéographique est né en Mésopotamie, en Égypte et en Chine, de la combinaison des deux modes de communication qui coexistent dans toutes les sociétés : le langage qui structure le groupe et régit ses échanges internes, et l’image, qui permet au groupe d’accéder au monde invisible où sa parole n’a pas cours. »

Penser l’espace

… « l’image relève de la catégorie de l’espace.
[Il] faut admettre d’abord que sa surface est première, c’est-à-dire préalable aux figures représentées, et telle que ces figures en soit elles-mêmes tributaires, mais aussi que les intervalles qui les séparent en préserve les valeurs ».

Poétique du blanc

Vide et intervalle dans la civilisation de l’alphabet.

« Pourquoi le blanc, si précieux aux peintres de toutes les cultures et essentiel aux calligraphes chinois et japonais, n’est-il évoqué en Occident qu’en termes d’absence, ou de manque ? On n’y conçoit pourtant jamais cette couleur, Wittgenstein lui-même l’avait noté, comme transparente : elle demeure toujours celle d’une surface lumineuse et impénétrable. L’hypothèse qui est avancée dans ce livre est que notre ignorance, ou plutôt notre refus, du blanc tient au modèle de pensée que nous devons à l’alphabet. En inventant la transcription de la parole par voyelles et par consonnes les Grecs ont transformé l’écriture en code graphique, provoquant ainsi dans son histoire une mutation qui, de la création des systèmes idéographiques à celle de l’écriture sémitique, n’avait jamais été envisagée : l’exclusion de la part visuelle de l’écriture, sa lecture, de ses principes de fonctionnement. Écrire revenait désormais à inventer mentalement des signes phonétiques, et lire à savoir d’abord les entendre. Plus rien ne subsistait dans ce système de la pensée de l’écran et de l’interrogation de l’espace d’où était né trois mille ans plus tôt un mode de communication inédit, comme en témoignent les mythes mésopotamiens ou chinois mettant en rapport son invention avec la contemplation du ciel étoilé et la lecture divinatoire. »

A.M. CHRISTIN, l’image écrite ou la déraison graphique, éd. Flammarion, 1995. Co-directrice du Centre d’étude de l’écriture et de l’image. Professeur émérite à l’université Paris Diderot – Paris 7.

Poétique de la couleur

« Il faut qu’une image se transforme au contact d’autres images comme une couleur au contact d’autres couleurs. Un bleu n’est pas le même bleu à côté d’un vert, d’un jaune, d’un rouge. Pas d’art sans transformation » Robert Bresson Notes sur le cinématographe NRF Gallimard 1975